De retour à la création graphique, Anne-Marie Vesco remet en jeu ses réflexes artistiques tout en restant fidèle à son esthétique de la transparence.
"J'ai choisi le dessin afin de déplacer mon obsession." La résine et ses écrins qui lui permettent de fabriquer ses curiosités sont toujours en réalisation. Mais elles sont cette fois propulsées sur une étendue plane. Anne-Marie dessine au pinceau, à l'huile, sur une surface transparente. Elle pose ensuite ce dessin retourné sur un épais papier blanc. Se posent dès lors les questions du support, du cadrage, de la superposition. Transparent et papier restent indépendants, amovibles. Le regard s’enfonce, laissant le spectateur libre de juger si le dessin joue avec la surface ou inversement.
Cet effet trompe-l’œil filtré participe à la mobilité de l’œuvre, évolutive, comme une évocation transitoire de la vie. « J’aime cette idée de traverser, de retourner les choses, de chercher ce qu’il y a de l’autre côté du miroir. »
Ses dessins ont cette présence qui invite au toucher
pour sentir le relief sous la main, comme pour caresser une bête sauvage
temporairement docile. Serpent au
bec aiguisé, femme-oiseau stryge, papillon réincarné,
squelette bavard, femme noyée percée en son ventre par une algue-scalpel… Tous
ces petits démons sont des personnages ou animaux hybrides. Des
chimères qui pourraient être issus d’un bestiaire médiéval peuplé
autant de monstruosités que de divinités. Mais le raffinement de leurs
traits les convoque dans un merveilleux profondément contemporain, un
univers où les formes rémanentes du romantisme noir s'expriment en toute
liberté. Les repères se dénouent et s'extirpent de cette momification du temps.
Les allégories fantastiques s’inspirent des scènes cryptiques d’Anselm Kiefer, d’attitudes empruntées au Purgatoire de Jérôme Bosch ou à d’autres primitifs flamands revisités de mémoire par l’artiste. Son geste insondable nous plonge dans une atmosphère où le rêve se confronte à la damnation, où l’Enfer se mêle au Paradis, là-même où la quiétude contraste avec la folie humaine et où l’espace ténébreux de la mort se lie à la magie de la vie. Les territoires se toisent, se mesurent dans une dynamique d’attraction-répulsion.
Les allégories fantastiques s’inspirent des scènes cryptiques d’Anselm Kiefer, d’attitudes empruntées au Purgatoire de Jérôme Bosch ou à d’autres primitifs flamands revisités de mémoire par l’artiste. Son geste insondable nous plonge dans une atmosphère où le rêve se confronte à la damnation, où l’Enfer se mêle au Paradis, là-même où la quiétude contraste avec la folie humaine et où l’espace ténébreux de la mort se lie à la magie de la vie. Les territoires se toisent, se mesurent dans une dynamique d’attraction-répulsion.
La force poétique s’appuie aussi sur
une palette volontairement réduite. Les
personnages traités en monochromie s’enfoncent parfois dans un
bleu profond où quelques empreintes de doigts (celles de
l’artiste) s’invitent. Ces altérités participent à la curiosité
volubile du dessin qui n’éradique ni l’humour ni la
fable. Un écart intuitif se fabrique volontairement entre l’effroi et le
ricanement et développe une nouvelle trajectoire narrative.
Pour Anne-Marie Vesco, le dessin est un autre moyen de circonscrire son monde étrange, mystérieux et insaisissable. En réinjectant l’expérience de l’assemblages d’objets réels dans son acte pictural, elle figure un nouvel espace d’évasion et de liberté. Une véritable opportunité d’émancipation esthétique bien loin des contours figés entre le Bien et le Mal.