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Mylène Mai, usures temporelles

Le temps impose son territoire et son cadre malgré le geste de l’homme. « Mon souhait est d’intervenir sur le plâtre comme le temps l’aurait fait et non l’humain. C’est un message d’humilité dans un monde où l’homme impose sa suprématie sur la nature. »

Coulé dans un châssis rigide, le plâtre est travaillé pour apporter des aspérités. Une fois sec, l’artiste cisèle dans un mouvement perpétuel le matériau dur qui se détache. Des lignes et des courbes amples, douces, apparaissent soutenues par la couleur, souvent vive et électrique. En travaillant les creux et les pleins en accumulation, Mylène Mai élargit les potentialités de la matière avec la perspective d’un espace possible, d’une ouverture opposée à la rigueur de la plaque de plâtre rigide.
Ses incisions dans l’espace-temps laissent le réel surgir du support comme une révélation, un effet de surprise. Elles laissent l’autonomie de l’élément et figent son état transitoire ; ce moment où le matériau se brise, se fend, se craquèle. Cette plasticité de l’éphémère à la fragilité précieuse fabrique des champs de signes instables.

Dans ce dispositif sériel de l’instant, les circonstances déterminées du geste se confrontent aux accidents involontaires de la création. Elles portent attention aux failles d’une scène, d’un moment qui pourrait toujours se dire toujours autrement en nous faisant douter de ce que l’on regarde. Entre l’immuable et l’éphémère, les potentialités d’errance et d’illusion nous transportent dans cet espace intuitif. C’est une véritable captation du sensible et de la liberté qui pourrait s’interpréter comme une empreinte temporelle abstraite et reconstituée de l’environnement naturel.



Il y a dans la pureté de ce vocabulaire plastique, une façon de renouer avec la nature originelle. La force des éléments se ressent et participe au questionnement du cycle du vivant et de son devenir.
La surface parfaitement envahie, immergée, évoque en ce sens la vigueur de l’eau et du vent. De la vague au souffle, la trajectoire statique sous nos yeux, s’inscrit peu à peu vacillante, mouvante et vivante dans notre espace mental.
« Le mouvement orchestre et anime la matière, je cherche les règles de composition semblables à celles provoquées par le temps et l’usure. »
Ces règles invoquées par l’artiste rendent visible et matérialisent ce qui se dérobe, ce qui disparaît face à cette course contre l’immuable.

Les strates du temps sont évoquées selon un fin relief. « Je ne cherche pas à créer de volume. J’attire l’attention sur l’épiderme c’est-à-dire ce qui entoure le volume. »
La profondeur n’occupe en réalité qu’un demi centimètre. Ce trompe l’œil de la surface est un pied de nez aux failles d’une nature toujours en tension, entre la vie et la mort.
« Le vieillissement et l’usure sont les marques du temps. Dans la nature, cela génère un graphisme (sillon, fissure, érosion, craquelure, ride …) et ce graphisme est la trace d’une histoire, une mémoire. Je cherche à donner le langage du vivant à un matériau inerte. »
Montrer le visible, le mouvement, le vivant face à l’opacité et le figé est un véritable témoignage de ce qui doit être potentiellement sauvegardé avant la dégradation, la disparition. Dans ces fissures du réel, Mylène Mai nous dévoile une partie de son mystère comme autant de présences qui s’effacent et se révèlent.