Peuple des sirènes |
Sa peinture est directement connectée au
processus de la mémoire pour faire ressurgir ses sensations de nature. Elle en
ressent les composantes profondes en lien avec les résurgences de l’enfance.
« Mon grand-père Théodore avait en Lorraine un jardin féerique où
fleurs, rosiers, couleurs, parfums, saveurs se mélangeaient. Ce jardin imprimé dans ma mémoire m'a toujours
fasciné. Je tente aujourd’hui d'interpréter ces ressentis de
mon enfance. »
Ses souvenirs
sensoriels et affectifs laissent surgir les réminiscences d’un extérieur
enchanté qui devient celui d’un parcours intérieur. Une somme de phénomènes, de mouvements et de
correspondances. Ces morceaux de paysages sont autant de catalyseurs de récits
possibles entre zones de flou et de détails plus nettement définis, là même où
l’ornement masque autant qu’il dévoile. Entre références et substances, la
narration sort du cadre et laisse l’histoire se poursuivre.
L’expérience
qu’elle souhaite raviver a trait au domaine de l’ailleurs ; à la recherche
d’une sorte de jardin d’Eden où le réel devient le simulacre de lui-même. L’artiste
se laisse traverser par ce qu’elle a vu. A Partir d’un souvenir d’une image,
d’une expérience, elle compose les manques comme si ses sens pouvaient absorber
son environnement pour ensuite le révéler sur la surface. La mise en abyme de cet état propulsé entre passé et présent provoque une
révélation graduelle.
Régulation, dérégulation, sublimation.
L’impression de temporalités distinctes se réunit sur un territoire commun. Le
monde paisible devient venteux, orageux comme un cataclysme en formation. Des averses de lumière souvent signifiées
par un halo et la conjonction d’un reflet témoignent de l’expérience
illuminée et de son éblouissement. Cette présence mouvante indique les
potentialités de sources originelles où la terre s’enchevêtre entre les cieux
et la mer.
L’univers aquatique est une autre source d’inspiration.
« C’est une représentation imaginaire de ce qu’était la rivière de mon
enfance en Corse, l’autre moitié de mes origines. Cette nature sauvage,
si différente, m’enchante. La découverte de magnifiques vasques
de baignade dans la rivière de mon village. Le bruit de l'eau qui coule en
cascade entre les rochers, les senteurs du maquis, de la menthe sauvage… »
Les forces naturelles et les
variations des éléments se lient et se libèrent avec intensité. Elles sont
incarnées à l’huile Griffin sur toile dans une polyphonie de tonalités où le bleu
domine.
Les paysages de Théodora Bernardini sont une expérience
onirique de territoires infinis où l’on consigne sa mémoire avant de s’envoler,
flotter et rêver. Du calme apparent d’un paysage se cache une explosion
latente ; toute la volupté d’un chaos à venir.