Son travail retient d’abord le procédé. Il est entièrement
dévoué aux technicités de la matière et de la couleur dont cet ancien graphiste
se laisse disposer.
Il réalise au
préalable des croquis pour appréhender la répartition des masses et des
couleurs et laisse les lois de l’aléatoire guider sa démarche. Après une lente
agonie du motif et son aboutissement à l’abstraction, l’artiste se défend désormais
de n’établir aucun concept en créant des dispositifs qui acceptent
l’imprévisibilité comme mode opératoire.
Hasards et
errances se confrontent à la maîtrise. Cette manière de dompter la fuite et la
persistance de l’inconnu n’autorise aucune forme d’exubérance.
Du libre
arbitre à l’automatisme, la peinture acrylique est projetée sur des bâches en
plastique enduites d’huile. Cette surface pelliculée, une fois séchée, est
froissée puis déposée sur la toile afin de créer des formes aléatoires qui
prolifèrent. Le collage devient infiltration laissant ces indices entretenir un
lien physique, direct avec le regard tactile porté sur les propriétés
matérielles et structurelles de l’œuvre. Un mélange de violence et de douceur,
de brutalité et de grâce, de dissonances et d’harmonies émerge.
Le fond, ultime
élément peint de la composition, cadence la palette colorée qui souligne un
vert récurrent. Les effets visuels évoquent la décalcomanie où la densité des
pigments et des contrastes induits par les rapprochements de couleurs, créent
des profondeurs et des reliefs.
Un contour
visible autour des formes sert de lisière avec le fond. L’artiste invite ainsi
à la reconsidération des marges et des absences, des présences et des manques. Le
dispositif, la perspective contribuent à une composition topographiée qui peut
évoquer certaines cartes ou paysages vus du ciel. Pourtant les œuvres ne sont
pas des territoires mais des systèmes de confrontation, de sérialité au format
homothétique.
Ce processus de
création se destine à tester la faculté de perception et de compréhension du
spectateur. C’est une façon de regarder la peinture par soi-même sans forcément
voir ce qui est montré. Si la composition non narrative propose quelque chose, c’est
au regardeur de voir ou de ne pas voir. L’artiste considère l’œuvre comme une
expérience esthétique où il est nécessaire de questionner la pertinence de
l'esthétique phénoménologique tout en posant ses limites interprétatives. La
peinture travaille dans l’innommable, dans l’en deçà du verbal, propre à chacun.
Elle inclue l'expérience contingente du spectateur, sa temporalité et le sens
de l'œuvre.
Du détail à
l’ensemble et vice versa, le regard suit son parcours. Dans ce va et vient, il est
nécessaire de scruter, se rapprocher, se mettre à nouveau à distance pour
apprécier la particularité méthodologique de création. C’est un travail qui dégage
une grande force poétique en s’autorisant le plaisir et la surprise picturale. L’expérience esthétique invite à prêter
attention à ce qui existe sans être immédiatement visible.
Valentin Arthur Dubois expose actuellement, jusqu'au 31 juillet 2018 chez LdeO&Co, 17 rue Saint-Paul - 75004 Paris