Festival, technique mixte sur toile, 292 x 114 cm, 2018
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Abandonner
l’armure charnelle de ses corps était comme une évidence. Avec cette nouvelle série, l’artiste poursuit
son exploration de l’être qu’il dépouille et humanise vers une sublime économie
de l’essentiel ; une révélation du lien mystérieux entre la vie et
la mort.
Christophe Faso ne se baigne jamais deux fois dans le même « flow. » Il élabore
ses œuvres comme autant d’enquêtes venant déjouer les cadres. Ses recherches s’enrichissent
d’une cohérence perpétuellement hiérarchisée. Les visages, les postures, les
créatures imaginaires, la cognition humaine au sein de la société contemporaine
font toujours partis de son corpus.
Après
Les passerelles charnelles où la
déstructuration du corps s’incarnait avec grâce et sa boîte à Chimères, réunissant des collages de bêtes humaines, il fait
évoluer cette fois sa trame avec une nouvelle entité : la vanité.
« La
vie, la mort de mes proches comme la disparition d’anonymes liés aux événements
récents des migrations massives, témoignent d’un monde déboussolé et rendent
mes sujets plus personnels (…) Mais je préfère remplacer le chagrin par la
lumière. »
Le
crâne, figure expressive, messager éclatant des ténèbres, s’inscrit comme l’élément
récurrent sur la toile. Il évolue dans un nouveau monde, un « après »
où le bien-être, la joie et la passion sont toujours prégnants. C’est un univers
à l’image des Champs Élysées ; le lieu des Enfers grecs où les vertueux
goûtent au repos après s’être éteints. Là-même où la mort est dans la fête, où
les squelettes s’invitent au festival, où les cadavres exquis se ré-enchantent
avec burlesque. Cette allégorie délicieusement macabre redéfinit avec de
nouveaux attirails symboliques le « Memento Mori. » Telle une
invitation à sonder les abîmes de l’âme au-delà du Bien et du Mal.
L’intention
reconsidère la présence et l’absence, l’éphémère et la fragilité de l’existence
humaine comme celle de la nature. Les mers, les montagnes, les forêts se
dessinent du suggéré à l’évident. Cet eldorado aux potentialités d’errance et
d’illusion renoue avec la nature originelle. La force des éléments se ressent et participe au
questionnement du cycle du vivant, du bouleversement climatique et de son
devenir. Le format à l’italienne des toiles témoigne
de cette volonté de construire le panorama d’un paysage en profonde mutation où
la terre, le feu, l’eau et le ciel agissent sur la condition de chacun.
Le
rêve se confronte à la damnation, l’enfer au paradis, la quiétude à la folie, l’espace
ténébreux à la magie de la vie. Cette dynamique d’attraction-répulsion se
fabrique selon une combinaison de dessins, de collages, d’aplats, de coulures
réalisées à l’acrylique, à l’encre et au pastel. Il y a toujours ce blanc, cher
à l’artiste qui participe à l’équilibre et la force poétique. Il contraste avec
une palette volontairement réduite mais vive, envisagée sous une
dualité de couleurs : orange-bleu ciel, rose-bleu… L’obscur se fait clair, laissant la tonalité
céleste happer les crânes vers le firmament.
Amputée
de sa chair mais traversée par un néant coloré, la vanité est travaillée comme si
l’artiste travaillait sa conscience. De leur regard béant, chaque crâne,
rédempteur de l’âme semble pourvu d’une identité en interpellant le regard du
spectateur. « Cogito ergo
sum », le doute méthodique s’exprime et laisse se confronter les
circonstances déterminées aux accidents involontaires.
Dans
ce tourbillon énergique, le rayonnement des couches, l’accumulation des figures
osseuses et le cadrage importent. Tous ces éléments participent à la mobilité de
l’œuvre évolutive, comme l’évocation du caractère transitoire de la vie. Le trait
brut et spontané laisse délibérément vivre le repentir. La trace de
l’avancement pictural souligne et surligne le dessous qui revient à la surface. Cette
gestuelle ronge et dévore avec une cruauté amusée mais montre également une
tentative d’évasion, de fuite, d’élévation individuelle ; l’ouverture de
perspectives, d’un espace de liberté.
De
l’expressionnisme à l’essentiel, de l’inanimé à l’animé, ces variations à
l’humour noir illuminent l’irréfutable impasse de la vie. Christophe Faso fige
pour l’éternité la course contre l’immuable avec une énergie sans fin. Son art
est un continuum qui transporte à chaque fois vers un audacieux vertige.
Exposition personnelle de Christophe Faso du 27 septembre au 13 octobre 2018
Art Ethic Galerie, 3 rue de Lanneau 75005 Paris