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Les micro-mondes de Dadave

R de CMYG
Accumulation de composants électroniques sur bois.
60 x 60
2016


Dadave fige certaines époques révolues de l’ère électronique en produisant des formes fixes dans une dynamique entropique inscrite dans une unité de temps et d’action. 

Cet artiste autodidacte endosse les habits d’archéologue et de sculpteur pour construire sa recherche plastique autour des composants électroniques qu’il collecte, accumule, dissèque, assemble et ordonnance savamment sur support bois. Après une 1ère composition à blanc sans colle, ces objets de récupération d’un temps déjà révolu sont à nouveau en connexion.  Ce sont des câbles, des gaines TPC, des cartes mères, des touches de clavier, des éléments prélevés des tubes cathodiques, des condensateurs, des circuits intégrés… La plupart engendrent des sculptures abstraites aux formes géométriques. Différents volumes tridimensionnels à l’effet parfois hypnotique.  Certains s’érigent tels de véritables tours de Babel composées de touches azerty, d’autres révèlent la célèbre pomme du constructeur informatique ou encore le flag de Jasper Johns.


Dadave fait dialoguer le fait-main et la technologie en préservant toujours l’origine de la forme et de la couleur. Les objets connus aux fonctionnalités altérées, désormais inefficaces et improductifs, élargissent le sens du champ de production de l’ère du numérique. Minutie, course incessante vers le plus petit... Ces micro-mondes sont dévoilés en préservant le mystère de leur technicité. Là où le connu se transforme et où le même devient autre.Il ne s’agit pas de décrypter mais de se laisser porter par le relief, le volume, la rugosité, la souplesse fragile qui se révèle au toucher. Ces assemblages de variations de matières concrétisent un dispositif abstrait qui épouse les représentations sphériques ou rectangulaires.


L’artiste sublime leur caractère sculptural par leur assemblage repensé, réorganisé par la couleur et la taille. Agencés pour s’influencer, se répondre, se contredire dans leur composition, dans leur usinage et leur usage, les composants font sens ensemble, dans un nouvel espace de dialogue. L’opération accède à une identité lumineuse, une présence adressée. La richesse des tonalités, la complexité des fragments et des textures nous précipite dans une immersion enveloppante. Une modélisation du réel fabricant le virtuel. Une approche technologique, entre l’accident et le programme qui ouvre de nouvelles portes et d’autres dimensions.


La pertinence et l’originalité du vocabulaire plastique se décrypte également en vue aérienne. Des mégapoles fabriquées de toutes pièces de ce matériel informatique obsolète se dessinent telles de véritables cités futuristes sorties d’un film d’anticipation. On pense au nouveau réalisme compilé d’Arman, aux sculptures organiques de Steven Rodrig, au Manhattan recyclé de Zayd Menk, ou encore aux photos sur le gaspillage des e-déchets de Benjamin Von Wong.


Afin de témoigner de l’histoire d’une technologie vouée à l’obsolescence, ce recyclage de données existantes est aussi une tentative de réconcilier les modes de vie écologiques et électroniques. Un tri sélectif utilisant le passé pour témoigner dans le présent. Les travaux de Dadave interrogent sur la mémoire, celle des données cachées et celle de notre époque qui hisse ces objets obsolètes, avatars furtifs, au statut d’oeuvres d’art.