Ses compositions
photographiques laissent émerger la réapparition de traces, d’empreintes non
identifiées. Elles accentuent l’effet de séparation de tout élément environnant
en proposant une relecture troublante qui questionne l’immuable et l’éphémère.
Jean- Louis Aucagos se qualifie de « glaneur
photographique. » A l’aide de son appareil numérique, il capte un détail
insignifiant et en fait son acteur principal qu’il extrait d’un mur, d’une
façade, d’un sol sans jamais définir de quoi il s’agit. Sans valeur ni
identification, il déploie un répertoire de formes et de couleurs. Leur qualité
commune réside dans l’extirpation de leur essence contextuelle.
Il compose ensuite l’image qu’il habille très légèrement de
contrastes et de lumières sur ordinateur, sans jamais mettre en scène. La
captation se révèle par cheminement, par alchimie. Une respiration s’installe
en creux et laisse percevoir la curiosité d’un ailleurs.
La représentation abstraite se donne à voir dans un autre
espace, un autre temps. C’est un peu comme si l’artiste sondait le « petit
pan de mur jaune » que décrit Proust dans le tableau de la vue De Delft de
Vermeer. Jean-Louis Aucagos s’attarde sur un fragment qu’il sublime. Dans cette
veine décalée, le réel se rejoue et participe à une nouvelle poésie. Prélevée
et réinterprétée, l’œuvre ne se prête pas au jeu de la référence. Elle incite à
porter attention aux accidents, aux failles qui pourraient se dire toujours
autrement.
Son point de vue efface, dépouille, extirpe une narration
sans personnages qui fait vaciller notre lecture. L’image devient un véritable
tableau. Un image-peinture, un entre-deux auquel vient s’ajouter un jeu sur les
supports et les surfaces qui participe au déséquilibre de l’appréhension.
Papier, Dibond ou Plexiglas, ce dernier révèle une nouvelle dimension, une
strate supplémentaire par sa transparence, sa brillance qui permet de s’échapper, traverser le miroir. La photographie se
rejoue dans des espaces différents qui peuvent être investis par de multiples
sensations. Elle attire par la fiction qui se redéploie. Le ressenti passe du
détail au plan large se prêtant ainsi à l’interprétation de chacun. Le
caractère d’introspection, la notion d’intime trouve sa forme d’expression. Du
surgissement de l’image, de sa dissolution à son interprétation.
Cette réappropriation nous invite sans nul doute à la
réflexion sur le statut de ce que l’on voit et ce que l’on apprend à déceler.
Ce trouble de la clarté du message vient désacraliser les symboles, chahuter
l’envers du décors construit habituellement par un discours identifiable.
L’artiste ne titre pas la plupart de ses œuvres pour ne pas participer au parti
pris.
C’est dans ce modus operandi que la force des images de
Jean-Louis Aucagos s’exprime. Ses œuvres s’articulent autour de la légitimité
d’appropriation d’une peinture qui n’est pas peinture, mais un tableau
photographique d'exploration de visions intimes, invisibles à nous-même.