La
photographie, la danse, le corps et la peinture sont pour elle des terrains de
créativité hybrides, en fusion. En soulignant leur malléabilité, Catherine Vaesca
leur redonne une consistance singulière, une nouvelle combinaison qui capture
l’évanescence des présences.
Ses modèles sont des couples qu’elle photographie dans leur
intimité. Elle chorégraphie la séance, ordonne l’échange, le toucher,
l’effleurement, l’enroulement, la lutte des corps étendus ; une sorte de
danse-contact effectuée au sol qu’elle saisit avec son téléphone portable.
« Habiles,
ils bougent, dansent allongés pour exprimer la tendresse et l’amour de leur
union. Leur jeu de jambes donne l’impression d’une lévitation. J’ai le
sentiment de les unir en apesanteur dans la légèreté et la grâce. »
Sur ordinateur, elle efface le fond du cliché pour se concentrer
sur l’essentiel ; les corps emmêlés. Un premier monotype sur transparent
lui permet d’agir sur l’image en laissant se diffuser et se propager le lavis
d’encre et l’eau. La représentation se dilue petit à petit, le figuré s’écarte
du tangible. L’image absorbée est enfin pressée sur papier photo dans le
mouvement, à plusieurs reprises.
« Le
flou, les effets d’eau et d’encre qui se mélangent sont nécessaires pour
exprimer la fusion des corps. J’attire le regard sur des parties de corps et en
fait disparaître d’autres. »
La matière et la transparence sont sculptées pour faire émerger
des formes inhabituelles. Les poses lascives et expressives revisitées des modèles
participent à un certain lyrisme.
La frontière entre le masculin et le féminin se franchit pour envisager une
nouvelle manière d’appréhender les corps qui ne font plus qu’un. Sous cette
forme libératrice, les forces en présence, les tensions, les équilibres se
révèlent. Les rapports de désir se confondent, les fantasmes se tournent et retournent.
La palette participe à ce ressenti. « Je suis à la recherche d’une subtilité
de tâches et de tons, d’une certaine délicatesse dans les dégradés qui forment
le lien. »
Sensualité, discours amoureux, les points de vue se décryptent et
s’inversent pour laisser le réel se conjuguer à la fiction. Ce n’est
pas la photographie qui fait sens mais sa transformation. De l’exploration à la
composition, de la figuration à l’abstraction, l’artiste propose une tentative
de l’entre-deux, entre matérialité et immatérialité, entre le visible et
l’invisible. Ce nouvel espace articule le regard sur l’image transfigurée,
pointant sa charge émotionnelle et proprement illusionniste. L’abandon de la ressemblance au profit de l’essentiel laisse
surgir la puissance poétique et la perte des repères.
Catherine brouille, perturbe sans pour
autant effacer en soulignant les potentialités de narration et d’imagination
des images, leur condition accidentée, leur capacité de fragmentation, d’absorption,
d’apparence, de rêve. L’œuvre est habitée de sa vie propre, envisagée à chaque fois dans un état modifié, opacifié ou plus épuré. Ce véritable plongeon dans l'intime laisse
le regard s’enfoncer. L’immersion est d’un enchantement habile.