A la fois
organiques et métalliques, les figures sculpturales de Rudy Morandini ont leur
propre facture. Leur résille ornementale joue avec la matérialité d’un
accessoire atypique laissant le corps se réinventer.
Les sculptures masculines, féminines, musclées, élancées, ne s’émancipent
pas des codes académiques dans leur représentation figurée. C’est le matériau
choisi qui participe à leur présence inédite. Pour donner vie à ses œuvres, et
dans une logique sérielle, l’artiste utilise l’écrou. Cette pièce de métal
percée d'un trou cylindrique indispensable pour fixer, visser, dévisser est ici
détournée de son usage premier pour faire sens artistiquement.
Corps, bustes, visages rendent une vision du réel où les notions de
proportions et d’équilibre sont respectées. Le réalisme anatomique s’appuie sur
une certaine pureté originelle des formes.
« L’idée première était de représenter
des statues antiques avec un matériau différent et d'avoir une précision
anatomique la plus juste possible en référence au travail du sculpteur Igor
Mitoraj qui est, pour moi, une référence. »
Entre les pleins et les vides, les marges et les absences, la rigueur du
métal rencontre la fragilité d’une texture percée, aérée sans dévoiler les
indices du savant procédé technique.
« L 'écrou a
beaucoup davantage, il est stable, sa prise est aisée à l 'aide d'une vis,
il supporte une haute température, prend bien la lumière, et rappelle notre
structure cellulaire, certaines cellules végétales sont aussi
hexagonales. »
Dans un rythme, le mouvement organique opte pour une direction précise et
autorise une grande liberté. Les écrous soudés entre eux, se juxtaposent,
s'agencent, se répondent, en intégrant dans leur assemblage le geste de la
maîtrise.
Chaque sculpture accède à une présence adressée. Au fur et à mesure,
l’artiste se sépare du superflu, fragmente. Les mouvements dans la matière
laissent une impression d’inachevé.
Leurs postures fascinantes renvoient à un imaginaire proche de la
science-fiction et d'un certain cyber-futurisme. Sous leur froideur apparente,
l’expression du visage s’efface, devient inaccessible, mystérieuse.
Cette véritable esthétique réinventée solidifie l’essence à la fois humaine
et surnaturelle en nous immergeant dans une expérience à la fois sensorielle, attrayante,
jamais menaçante. Une sorte de mutation des corps qui participe à de nouvelles
réalités visuelles.
L’univers de l’artiste que l’on peut qualifier de réaliste fantastique,
s’inscrit ainsi dans une logique de prise de possession du tangible, de
l’existant d’un monde inconnu et fantasmé.
Le procédé de fabrication sophistiqué de Rudy Morandini s’extrait du
formalisme inculqué par les méthodes didactiques de la sculpture. Cette
nouvelle expérience au cœur de la matière casse les codes visuels avec une
certaine révélation.