Avec la sculpture, il remet en
jeu son procédé technique tout en restant fidèle à son esthétique fantasque.
Jean-François Veillard est toujours Inspiré par le paysage de la campagne du Val de Loire où
se trouve son atelier rempli de trognes. Un lieu où les formes rémanentes du
conte et de la frasque s’expriment en toute liberté. Une atmosphère où le rêve
se confronte à la damnation, où la quiétude contraste avec la folie humaine, où
la vie se lie à la magie.
Suspendues
dans un espace de liberté, les figures représentées sont des farfadets, trolls
et autres lutins. Comme dans une histoire racontée aux plus jeunes, ils
n’aspirent qu’à la venue d’un regard ou d’une main qui viendra leur redonner
vie.
Issus de ces histoires peintes et
proches du rêve éveillé, les farfadets prennent une nouvelle existence. Ils
sont envisagés comme de véritables curiosités qui posent la question du support :
des morceaux de bois anguleux.
« C’est en allumant mon feu avec du petit bois que j’ai pensé modeler mes
farfadets, en portrait, dans des bateaux et autres véhicules à roulettes. Je
peux ainsi les réaliser lors de mes déplacements sans avoir trop de
matériel encombrant. »
Assemblés et collés entre eux, les
fragments de bois se superposent, se combinent, s'entrelacent pour inscrire et
reconstruire. Ils appréhendent un rapport lié à la nature, à la forêt, à l'eau,
à l'état sauvage qui nous relie aux autres. Quant aux roulettes, elles participent à la mobilité de
l’œuvre, évolutive, comme une évocation transitoire de la vie.
Avec ses sculptures, l’artiste
trace les signes d’un imaginaire recomposé qui lui permet d’éradiquer avec
humour toute complaisance à l’égard des idées préconçues, à l’égard du vrai et
du faux. Dans sa charge symbolique, le farfadet représente l’humain, ses
qualités et ses vices.
La force poétique s’appuie aussi sur
une palette volontairement réduite : le blanc.
« C’était pour moi la meilleure façon d’accrocher la lumière et de donner
la force au volume. C’est un blanc que je fabrique à base de chaux et de sable
paille que l’on retrouve dans les torchis néolithiques. Je rajoute une coloration pour les yeux
plutôt bleu et sur le nez et la bouche un rose pâle pour que les farfadets
prennent vie. »
L’apparente froideur de ce choix
de monochromie n’éradique ni l’humour ni la fable. Entre douceur et stupeur,
nos yeux s’écarquillent et nous projettent aux confins de l’enfance. Là même où
il était encore difficile de discerner Eros et Thanatos, le Bien et le Mal.
Chaque œuvre referme quelque
chose ; une âme, un secret qui témoigne d’une joie ou d’une peur. Et peut
signifier autre chose que ce qu’elle montre.
De la figure
vers le détail, l'anecdotique devient signifiant. Le regard avance puis recule
pour scruter la nature de l'espace visible. Ce va-et-vient permet une
distanciation avec le réel, entre les possibilités de reconnaissance et de
fiction.
Pour Jean-François Veillard, la
sculpture est un autre moyen de circonscrire son univers étrange situé entre
l’effroi et le ricanement.