Imprégné
du vocabulaire de l’illustration, il travaille systématiquement l’esquisse
avant la peinture qu’il finalise par une touche voluptueuse sur toile, libérant
généreusement les courbes féminines.
François Groslière est d’abord dessinateur. Il collabore pendant
près de trente ans dans une agence de communication de renom avant de créer sa
propre entreprise. Son expérience dans la maîtrise du dessin, de l’identité
graphique, du rough et du story-board destiné à la publicité se retrouve
aujourd’hui dans sa peinture narrative.
À l’acrylique sur toile, des femmes élégantes, ondulantes, issues
de l’imaginaire de l’artiste sont chahutées, revisitées dans l’idée de vraisemblance et de proportion.
« Je ne peins jamais la même femme, mais mes modèles ont toujours un
point commun ; cette générosité dans les formes (…) J’aime le
contraste d’une poitrine imposante, d’une taille très fine, des hanches larges,
des pieds ténus et des mollets plus opulents. »
En bikini, chapeautées à la plage, sirotant un cocktail, à vélo,
en scooter ou en décapotable ces femmes estivales laissent aller leurs
silhouettes au gré du vent en se tortillant de tous leurs atouts charnels. Leurs poses recherchées donnent à la
représentation du corps un caractère exacerbant sa sensualité. Ces
femmes rondes, autonomes, en mouvement se libèrent dans leurs contorsions pour
remettre en cause l’idée de la beauté.
Singulières, incarnées mais jamais reconnaissables, elles participent
sans regard, au questionnement de leur identité.
« Beaucoup de personnes
estiment que les yeux sont le plus important. Je laisse au spectateur cette
importance en l’invitant à imaginer si le personnage féminin le regarde ou
l’ignore. »
Dans l’impulsion de la disparition, cette apparente volonté
d’effacement dévoile d’autres indices d’un caractère expressif. La spécificité énigmatique
de la féminité se précise, suggérée plus que montrée. Bercée par ce délicieux
flou sensoriel, la perspective secrète devient le champ de toutes projections, entre
reconnaissance et étrangeté. Là-même où le familier émerge de l’inconnu, à la
fois fantasque et existant. Ce recours à la libre interprétation du corps comme
lieu de métamorphoses participe au trouble, certes, mais toujours avec une
certaine bienveillance amusée.
«
Ma peinture est exotique, aquatique, bucolique, humoristique. Dans la vie
j’aime empiler les moments de plaisir. »
L’expression de cette œuvre radieuse, vivante
et vibrante prend également son ampleur par la couleur. Le choix de la palette chaleureuse
où le rouge et le fuchsia dominent révèle une anomalie de la
vision de l’artiste qui affecte sa perception des couleurs. François est
daltonien mais utilise cette déficience visuelle comme un atout flamboyant.
Elle lui permet de révéler les composantes colorées du réel entre la distance
et l’imagination. Cette représentation vive et énergique est à l’image de ce
petit poisson rouge, figure récurrente qui frétille tout au long de son œuvre.
C’est dans cette atmosphère contemporaine aussi tangible qu’hallucinée
que les troubles de la vision et les astuces d’échelle réveillent les scènes
réalistes au potentiel de fable. Ici les héroïnes sont libres, joyeuses et
sensuelles car c’est ainsi que François Groslière les aime.