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Bernadette Mergaerts, les traces esthétiques du fugitif


Ses photographies numériques sont instantanées. Guidées par l’impromptu, elles sont réalisées dans l’instant sans mise en scène.

Cette artiste belge photographie depuis l’âge de 10 ans et se souvient encore de ses premiers clichés réalisés à l’aide de l’appareil photo de son grand-père.
Ses ultimes séries sont effectuées grâce à son smartphone. « La technique ne prime pas. Je n’exclus pas d’utiliser l’argentique ou le Polaroïd pour de prochains travaux. »

Bernadette Mergaerts capture les traces esthétiques du fugitif. Ses photographies sont des empreintes extérieures saisies au hasard de ses déplacements. La question de la perte des repères est centrale et la non reconnaissance du lieu essentielle. Elle contribue à tendre vers une certaine abstraction. Pourtant les images ancrent les espaces que l’artiste traverse dans un continuum de sensations, d’instants qui auraient pu être vécus par chacun d’entre nous.

In the mood for more - Corfu 2018
Impression 30x30 Dibond - édition de 8
Impression 128x128 sur soie - édition de 30
Prises de façon parcimonieuse, les photos sont parfois retouchées à l’endroit même de la prise de vue. Une façon de s’imprégner de l’environnement tout en traitant la couleur ou le contraste. Les impressions sont effectuées sur papier photo brillant recouvertes d’un film de protection mat, posées ensuite sur Plexiglas ou sur Dibond ou encore déclinées sur caisson lumineux ou sur de la soie. Toutes sont pratiquement réalisées dans le format carré. Cette figure symbolique par excellence, met en évidence la composition en stimulant l’imperfection, confrontant l’accident à la représentation logique.  « Le carré est un choix. Je suis ainsi obligée de résumer la scène dans un espace plus restreint. Il permet des assemblages et des combinaisons de plusieurs clichés afin de reconstruire de nouvelles histoires. » De ces fragments autonomes naissent des espaces à multiples lectures et multiples vitesses.

« Le carré est également une forme utilisée en cartographie. Je suis géographe de formation. Lorsque je regarde mes clichés, je devine souvent les lignes d’une carte. »
Son intérêt pour la planète, ses paysages, son environnement, ses habitants, l'urbanisme, ce qui se dégrade sur les sols, les murs, les rochers, les plantes, entre ciel et terre, trace sa vision poétique et parcellaire. Une algue sous la mer, un papillon qui cache l’éphémère, un caillou jeté dans l’eau, une feuille chiffonnée, un reflet lunaire, un nuage blanc dans les bras du ciel… « Nous avons notre propre imaginaire avec nos références personnelles pour décrypter ce que nous voyons. »

Paradis flottant - Corfu 2018
Impression 30x30 Dibond - édition de 8
Impression 128x128 sur soie - édition de 30
En marchant, en mouvement, l’artiste reconfigure le terrain. Cette transformation est envisagée comme une métamorphose. Son regard avance et recule pour scruter la nature de l’espace visible. Le ressenti glisse du plan large au détail et vice versa. Ce va-et-vient permet une distanciation avec le réel, entre une possibilité de reconnaissance et une association fictionnelle. Le beau et l’informe, le vide et le plein, le domestique et l’inconnu se répondent permettant à l’anecdotique de devenir signifiant.

La démarche de Bernadette est souvent collaborative et donne une résonance aux travaux de poètes, écrivains et musiciens. Ses photographies attirent ainsi la fiction qui se redéploie dans les textes et la musique qui les accompagnent. Une strate supplémentaire s’immisce comme une nouvelle invitation à apprivoiser l’évanescence photographique.