Fidèle à la
rue où elle puise son esthétique contextuelle, Jaja joue avec les anecdotes des
passants munis de leurs smartphones.
L’architecture urbaine est sa surface d’expression, les passants
ses sujets. Jaja reste fidèle à son modus operandi et demeure une artiste
Street-art inspirée par l’univers digital. De ses déplacements constants, elle
saisit l’immédiateté de situations et d’attitudes liées à l’objet
technologique. Pour cette série intitulée
Le smartphone notre compagnon, les prises de vues capturées au hasard de ses
déambulations sont modulées et transformées par la couleur à l’acrylique sur
toile, laissant apparaître en filigrane une allure, un comportement. « Seule
la posture m’intéresse (…) J’aime photographier la rue depuis toujours. Les personnages avec
leurs smartphones se sont naturellement imposés. »
Une atmosphère particulière se diffuse et se
prête à l’interprétation d’histoires.
Les photographies-peintures interrogent sur les relations
entre le langage et l’image, en tant que formes d'expression. Le contenu
narratif est évoqué en creux, gommé entre les vides et les intervalles. Les
personnages sont effacés et isolés comme suspendus dans un espace indéfini soutenu
par un fond travaillé en aplat de façon unie. L'occultation des parties de la
photographie originale, les cadrages, les choix et les rejets, les mises en
exergue, tous les apports de couleur ou de matière nous conduisent ailleurs. Ce
sont autant de dialogues ouverts comme une manière de susciter notre interaction
avec l’œuvre. Dans un équilibre entre présence et absence, nous cherchons à créer du sens à partir de ce que l’œuvre
nous donne à voir.
« À
la merci de leurs smartphones qui envahissent nos espaces de vie, les
personnages disparaissent et deviennent tous égaux, presque esclaves (…) Le
smartphone est plus qu'un téléphone, c'est un couteau suisse, un ordinateur de
poche (…) le prolongement de notre bureau, de nos loisirs et de nos relations
sociales. »
Les sujets ont effectivement en commun cette posture attentive face au
smartphone. Ils semblent tous happés par l'objet. L’artiste regarde l’ère des
êtres connectés et dénonce à sa façon la surabondance de la communication et la
standardisation de la consommation de flux.
La dénonciation reste douce et poétique. La palette
aux tonalités pastel renforcent cette approche. Avec ces scènes
« post-smarphoniques » recomposées sur toile, Jaja ouvre la voie de
la perception immédiate de la réalité mais aussi du disparaissant et de la
naissance du spectre. Les passants d’abord immobiles, se détachent de leur
substance. Ils s’échappent d’eux-mêmes, absorbés par leur outil de poche.
Détachés de leur lieu et leur conscience, ils deviennent dans leur abstraction,
fugitifs, évanescents, fantômes.