La zone d’humanité
s’engouffre dans ses œuvres selon une certaine violence, peu contenue et
débordante pour témoigner avec esthétisme d’une société où la survie de l’homme
se fait parfois oublier.
« A partir d’un chaos assez
indescriptible sur la toile doit surgir quelque chose. »
Sa technique
mixte utilise le plus souvent l’acrylique et d’infimes corps étrangers tels que
des débris, assemblés, collés comme matériaux de départ liant ses personnages à
la matière.
Son geste
débridé, brûlant, vindicatif, informe sur la trace humaine d’un corps et d’un
esprit en survie. Dans sa peinture, on ne trouve pas de lignes de fuite ni de
perspectives, mais l’affrontement, la superposition, la confrontation. Les
traits sont des cicatrices apparentes, les zones visibles des indécisions et
des renoncements. Pierrette Cornu efface, fragmente.
« Rien n’est jamais sûr, ni définitif
ou terminé. Mon trait reflète la vraie vie, celle de personnages inadaptés au
rythme délirant de notre société contemporaine. Vie imparfaite, rugueuse,
banale, fragile, complexe donc intéressante. »
L’artiste
évoque le thème du déplacement des populations fuyant la violence, les
catastrophes économiques, écologiques, montrant une tentative d’évasion dont on
connaît la fortune.
L’enfermement
comme l’ouverture de perspectives, la fuite des corps, les possibilités
d’échappatoire et les résidus d’un instant décisif sont agencés comme une somme
d’empreintes meurtries où le rouge sanguin récurrent accentue la palette aux
tonalités grises et noires.
L’artiste
donne au corps une question existentielle et révèle le sens tragique de sa
destinée où l’espoir est
une quête perpétuelle.
« Mes personnages le plus souvent
empêchés, entravés mais vivants, sortent les uns des autres comme des poupées
russes. Mon travail est un témoignage d’humanité par la peinture. Je suis
préoccupée par l’état de ce monde brutal, partagé entre espérance et
désespérance. »
L’empreinte de la mort rôde comme une signature cruelle. Des
créatures de cauchemar à la fois menaçantes et bienveillantes renforcent
l’inquiétude. Ce sont des loups, des corbeaux… Autant de : « totems, et petites créatures sensées
protéger du désastre. Ils sont aussi les exemples
de liberté, du franchissement des frontières. »
Des corps et des têtes
à l’aspect rempli d’avidité et de curiosité côtoient les autres acteurs de ce
bestiaire. Ils montrent le temps comme naturellement démoniaque parce que ne
cessant de faire écho à notre être essentiellement mortel. La peintre donne corps à la mort afin de
l’affronter et de s’en extraire. Face à cette menace aussi effrayante que
fascinante, les sujets font l’épreuve d’une expérience-limite. Avec cette
nécessité de prendre leur existence en charge.
« On ne parle pas assez de la mort dans
nos sociétés aseptisées. »
Dans chaque
peinture de Pierrette Cornu semble apparaître un appel, un cri, parfois
renforcé par quelques indices narratifs, des mots choisis : « vent
violent, optimistic, captain, lien, arrivé peut-être, fragile, absence,
trajectoire, embarqué, jeté loin, bad bird… »
« L’étincelle est sonore, j’ai une
mémoire auditive, les mots déclenchent tout de l’imagination. »