La peinture d’Orlando Latour est
constituée d’une série d’apparitions qui semble s’effacer de la surface de
représentation. Sa vision soluble, aussi figurée que déstructurée laisse
présager la virulence d’un geste qui accueille le tourment et la survie.
Il peint à l’acrylique
des portraits de ses ancêtres imaginaires (lui qui n’en a pas), des figures de
la peinture classique. Les couleurs se
mélangent, se diluent et provoquent un effet entre statisme, vibration et disparition.
Orlando ne revendique pas la fragmentation mais l’écrasement.
« Il s’agit de créer un substrat presque organique, une matière dont on ne saurait dire s’il s’agit d’une chose écrasée ou d’un élément anatomique, je ne sais quel viscère. »
« Il s’agit de créer un substrat presque organique, une matière dont on ne saurait dire s’il s’agit d’une chose écrasée ou d’un élément anatomique, je ne sais quel viscère. »
Son geste exige la
méthode mais assume les errances, le hasard et l’imprévu.
Le pli, acrylique sur toile, 2019, 73 x 60 cm |
Les silhouettes
s’imposent au-delà du temps et des affres de l’Histoire. Les visages sont
absorbés dans leur contemplation. Certains regardent le spectateur d’un œil
spectral.
Il s’agit d’interroger
l’effacement inévitable de toutes choses et sa possible rémanence fantomatique.
Les effets d’ombres et de couleurs recherchés renforcent la tension tragique.
« Je
recherche un effet aussi violent que possible ; mais quant à exprimer quelque
chose c’est ce à quoi je me refuse, car je ne veux pas enfermer mon travail
dans l’expression anecdotique de je ne sais quel trouble... ce serait
stériliser mon travail et priver le spectateur de la faculté de se
projeter. »
L’artiste préfère
raconter la violence plutôt que la montrer, comme le veut le genre dramatique
de la tragédie. Il souligne l’ambiguïté de la scène et laisse l’interprétation
ouverte entre l’envoûtement et la torture. Il rend précis ce qui n’attache pas
habituellement le regard. Une collerette en dentelle, un collier de perles
noires, une rose attachée dans les cheveux… Sont autant de références enfouies
qui se détachent. Au-delà de ces indices qui restent figurés, la composition
cède le pas à un apparent désordre qui vient s’immiscer aux frontières de
l’abstrait.
Noailles, acrylique sur toile, 2019, 65 x 81 cm |
La peinture d’Orlando
Latour retranscrit un passé qui déchante pour le projeter dans un présent
chahuté. Elle laisse une place insolente à ce qui n’est plus là et qui reprend
vie. Sa recherche sensible continue à donner corps. Elle agit pour que
l’excédent se rétracte, déborde et dégouline.
Nous nous laissons transporter vers cette impossibilité du besoin
d’identifier pour approuver l’absence et les potentialités de fictions qui se
reconstruisent. Au-delà du cauchemar il y a la survie.