Psychedelic circus, une grande majorité de singes
refusent toujours de croire que l’Homme descend d’eux, huile sur toile, 165 x
55 cm
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Dans une veine surréaliste
décalée, J.L Manuel laisse l’imagination reprendre ses droits afin de rejouer
différemment le réel. Pour ce faire, il brouille les pistes entre l’impulsion
et la distance, entre la tentative d’un récit et les appareils critiques de la
dérision. L’artiste ne renie pas ses influences pour Dali, Magritte, Ernst, le
précurseur fantastique Bosch ou encore d’autres artistes plus contemporains qui
travaillent comme ces référents l’ambivalence du langage pictural.
Dans son élan narratif, J.L Manuel
fait se télescoper corps, animaux, espaces et paysages. Ces représentations
éparses constituent un champ de signes riches qui nous fait douter de ce que
l’on regarde. Du surgissement de l’image à la dissolution de son
interprétation, la réalité construite est remise en cause avec une certaine
cocasserie.
Une montgolfière météorite, des
saxophonistes aliens aux seins nus, d’autres éléphants, rhinocéros, chimpanzés,
et chauve-souris sont autant de représentations fourmillantes associées. Sans oublier les clowns, danseuses et équilibristes ; personnages récurrents qui
participent à une approche allégorique et symbolique du cirque. Ces
figures jouent dans l’espace avec les oxymores de l’équilibre et du
déséquilibre, parfois jusqu’au vertige de la légèreté et de la pesanteur, de la
fixité et du mouvement, de l’allégresse et de la tristesse, de l’apparition et
de la disparition.
Dans cette atemporalité inédite et singulière, un
monde se fabrique où le temps semble suspendu, comme enfermé. De la piste, cercle clos, à la parade, populaire et hétéroclite, la mise en suspens atteint son comble. C’est un univers où tout est permis, sans convention. Il participe à la fois la
construction et la fragmentation de portraits et de normes picturales dans une
mise en abyme d’un double d’un jeu complexe qui se lit en miroir ou en positif-négatif.
Les travaux explorent l’inconscient et l’illusion en liant
l’expérience hallucinatoire. La composition permet ainsi tous les troubles
optiques et les astuces d’échelle. Cette désorientation sensorielle provoque un
sentiment heureux, une invitation enchantée à apprivoiser l’évanescence. La
palette est particulièrement rayonnante et la couleur essentielle. Elle met en
en valeur les tonalités primaires. L’artiste cherche plus particulièrement la
vivacité et la luminosité du rouge, du bleu et du jaune plutôt que la
symbolique de leurs teintes.
L'infographie lui permet de
travailler sa composition sur ordinateur, d'affiner ses dessins en les
augmentant, les réduisant, les déformants ou en important des fragments de
photos. Il imprime une partie directement sur la toile et achève l'ensemble à
l’huile. Les Lignes sont agitées, les craquelures, failles du corps et du
décors, et autres tourbillons se décryptent comme une évocation du caractère
transitoire de la vie.
L’univers fantasque regorge de surprises picturales et
tend vers une atmosphère énigmatique, laissée à l’appréciation de chacun. « L’énigme
est toujours plus ou moins indiquée par le titre du tableau, mais le spectateur
doit aussi donner libre cours à son imagination et peut tout à fait voir autre
chose » précise le peintre.
Dans ce rapport à l’image picturale, cet acte de voir,
l’esprit doit être engagé pour exciter chez le spectateur le désir, le besoin
de regarder. L’œil, la représentation du regard est en ce sens omniprésente
dans l’œuvre. Elle évoque la réalité altérée par la vision et l’imagination de
chacun mais aussi une certaine intention de libérer la vision du monde.
Inviter à modifier le regard que
l’on porte aux choses, participer à l’imaginaire collectif, à l’éloge du choc visuel, à l’abondance de juxtaposition d’images et
d’objets incongrus, agencés dans le but de perturber, de susciter l’ambigüité
et l’humour noir... C’est à cette diversité que tient la richesse du
Surréalisme. J.L Manuel y apporte du merveilleux réinventé.