Ses derniers
travaux révèlent la permanence de questionnements inspirés
par la dualité du noir et du blanc. Françoise Duprat creuse l’espace ténébreux
comme un processus de surgissement.
Au gré de son intuition et de la rencontre avec les aléas de la
matière en mutation, l’artiste intervient sur l’état de bouleversement, se
laissant guidée par les couleurs émergentes et leurs reliefs. Pour ce
faire, sur une surface déjà peinte avec des effets aléatoires, elle superpose
les couches de médium à l’huile ou à l’acrylique, croise les coups de brosses
et de spatules jusqu' à l'apparition de creux, de bosses, de stries qui
lui permettent de travailler la matière. Le trait brut et spontané laisse
délibérément vivre le repentir. Il souligne et surligne le dessous qui revient
à la surface et puise autant dans les forces souterraines que dans celles d’un
paradis perdu.
Dans
un mouvement constant, l’énergie du geste se maintient. Une dimension atmosphérique
se dégage. S'ouvre alors
une voie lactée de paysages abstraits, lunaires et brumeux.
« Mon
inspiration est minérale. J'aime les vieux murs, les rochers, la pierre, le
silence. »
Poétiques et mélancoliques, les toiles se construisent entre l’inanimé
et l’animé, entre le réel et l’irréel, entre le vivant et la mort.
Ces
paysages mentaux nous invitent à sonder les abîmes. De la profondeur à
l’illumination, de l’obscurité à la révélation, la peintre nous guide
méthodiquement vers une abstraction où le blanc et le noir révèlent leur
contraste. Les tonalités sont douces et matinées d’un certain naturalisme.
« Les fonds blancs sont en opposition
avec le noir tout en étant en osmose. L'humain n'existe plus...seule la matière
est figée. »
Les tonalités participent au secret, entre la lumière et l’ombre, l’invisible
et le caché, l’insaisissable et l’inconnu. Elles marquent une suspension
temporelle, un espace, un silence, un antre qui ne laisse rien surgir. Un no
man’s land où plus
rien ne paraît exister ni même être envisagé en dehors de ce que la nature
offre. La composition tend à se
calcifier et à produire un ressenti d’éternité.
Françoise
Duprat laisse à l’état d’énigme ses
surfaces. Dans cet état des lieux, les références agissent tels des spectres. Ce
sont des terres, des mers, des cieux. Une zone où se niche le mystère et la
disparition. C’est une nuit éternelle au clair de lune où tout s’efface en
laissant des traces, en dévoilant des présences dans l’absence. Là-même où le
connu se transforme et devient autre. Du rêve au réel, le surgissement se
construit autour d’une ligne horizontale, parfois verticale qui structure et
équilibre comme autant de territoires qui s’arpentent en toute liberté dans une
révélation graduelle.