Il peint ses proches, sa famille, ses amis ou des personnes
rencontrées au hasard de la vie. Ces personnages d’apparence introvertie
semblent plongés dans leurs pensées et nous invitent à chercher une
compréhension profonde de ce qu'ils pensent et ce que nous pouvons apprendre
d'eux. La plupart des attitudes sont capturées dans un moment de pensée, de
réflexion, de sommeil et de mélancolie.
« On peut imaginer milles choses à travers un visage pensif
(…) Il m’arrive de rendre mélancolique un visage qui ne l’est pas au départ.
“La mélancolie, c’est le bonheur d’être triste" disait Victor Hugo…Ce
sentiment résonne en moi. »
L’artiste prend le soin de souligner un regard dans le coin,
des lèvres closes…« Les yeux et la bouche sont les deux principaux vecteurs
d’émotion du visage. » Le cadrage autour du visage donne une impression de
volume. Il est renforcé par un fond fragmenté, qui s’efface par touches.
Le fond bleu-vert vif contraste avec les tons du visage
diaphane. Les effets de lumière et les combinaisons d’une palette qui mêle le
clair au radieux, participent à une impression mouvante, une sensation
dynamique qui contribue à la déconstruction de la composition.
« J’ai fait des recherches pour introduire plus d’aléatoire
dans mes fonds (…) L’effacement de la figure est une forme de violence,
d’empreinte du monde extérieur chaotique sur le visage pur, innocent. »
Ce choix d’un arrière-plan à la texture flottante permet aux
sujets de ressortir légers, en lumière. La stratégie de dissolution de la
figure par endroit expérimente « l’en train de disparaître » et laisse libre
court à la surprise picturale.
Sans unité de temps ni de lieux, cette situation concentre
le réel et décentre la question du repère. Dans cette mêlée atemporelle, les
personnages vidés de leur espace et de leur contexte se rechargent par leur
propre potentiel d’occupation. Ils s’imposent ainsi dans une confrontation en
prise directe avec le regardeur. Devant les œuvres de Bertrand Martin, la
dimension est physique et immédiate.
Bertrand Martin est un peintre méticuleux qui souligne les
correspondances visibles de ses sujets. En dépit du mystère suggéré, son trait
maîtrisé et maniéré s’inscrit dans la filiation figurative contemporaine. Cette
dimension pénétrable échappe au mode conventionnel du portrait. Elle procure
une certaine distance avec le réel, livrant sous un fard subtil sa vérité sur
les autres.