Accéder au contenu principal

Valérie Jayat, les chimères et le réel

 

Dame Oiselle

Peuplé de femmes, d’hommes et de créatures aussi inquiétantes que bienveillantes, son univers pictural mystérieux et amusé, chuchote et interroge.

 

La peinture, l’encre, la lasure, le crayon participent à sa technique mixte sur toile. L’artiste dépose ses couches en aplat ou les étirent au couteau ou à la raclette selon une gestuelle qui lui appartient. La lumière et le paysage abstrait du fond se composent, souvent en résonnance avec la mer de Bretagne, région où elle réside.

 « J’aime évoquer le côté rocailleux avec les raclements de l’encre, et la lumière qui est magnifique dans le golfe du Morbihan. Je ne reproduis pas exactement les paysages que j’ai sous les yeux mais des sensations avec parfois de petits détails de lignes ou de couleurs. »

 

Après le paysage, Valérie poursuit son cheminement en définissant la posture des personnages. Des géants redimensionnés au visage souvent effacé ou masqué.

« Souvent j’esquisse des visages que j’aime voir disparaitre sous la couche de peinture, ils ne sont plus dès lors dans une reconnaissance esthétique classique. »

Les personnages se lient à l’expérience hallucinatoire par leurs astuces d’échelles. Leurs corps et en particulier leurs jambes étirées, leurs cous parfois oubliés, participent à la désorientation sensorielle. Mi-homme, mi-bête, ils gravitent au bord de l’eau. Leur animalité est explorée dans l’indice de leur posture.

 

Cachecol, Dame oiselle, Remaillage… Sont autant d’exemples qui présentent de drôles d’oiseaux, des ovipares ailés aux becs prononcés.

 « J’aime l’animalité dans l’homme, ils ont souvent des têtes d’animaux, les oiseaux en particulier (…) Je montre des personnages bien implantés dans la terre, parfois en contraste avec leurs têtes d’oiseau. »

Entre terre et cieux, les scènes évoquent un carnaval de forme inconsciente, un théâtre de marionnettes atypiques, un bestiaire d’une grâce innocente où les hommes-oiseaux posent tels des gardiens d’un lieu et d’un temps non défini.

 

Ces figures ont quelque chose de spectral et suscitent l’étrangeté. Leur aura mystérieuse flirte avec l’irréel et participe au regard contemporain de l’artiste teinté d’un zeste d’extravagance.

« Il y a en effet l’idée de rêves, de situations incongrues, de poésie, de jouer avec les mots dans les titres mais je ne me revendique pas surréaliste. »

 

La force poétique s’appuie aussi sur une palette qui décroche volontairement un bleu clair électrique récurrent. Ces altérités participent à la curiosité volubile du dessin qui n’éradique ni l’humour ni la fable. Dans un écart intuitif se fabrique volontairement l’effroi et le ricanement, développant une trajectoire narrative propre à l’artiste.

 

« Mon discours est volontairement diffus, je n’assène pas des vérités, je suggère certains états de fait mais libre au regardeur de les discerner ou pas. »

La peintre évoque les liens d’une mère et sa fille, les gènes familiaux (Emaillage) la disparition des abeilles (Usurpation), les personnalités multiples ou les étiquettes collées aux gens (Les masques et les plumes.) Dans cet hommage envoûtant et amusé à la différence et aux spécificités de chacun, les repères se dénouent laissant le réel côtoyer le chimérique.

 

Les travaux de Valérie Jayat sondent les abîmes de l’âme et exaltent les sens. L’atmosphère déployée est à la fois énigmatique et attirante. De quoi troubler notre regard d’un battement de paupière (ou d’aile) jusque dans notre inconscient.