« Déstructurer le réel c’est offrir la possibilité de faire venir un essentiel caché. C’est affirmer l’existence d’un tout vibratoire qui nous lie. »
Yannick Ollitrault fragmente la réalité et lui donne d’inédites suggestions. Son procédé est un savant équilibre d’aller-retour entre le tangible et sa transformation imaginaire, entre l’indispensable aléatoire et la maîtrise technique de la peinture. En utilisant les propriétés de l’accident pour en révéler l’éventail des possibles, il applique des couches de glacis colorées transparentes, juxtapose par aplats et effets de flochetage formes et couleurs qui apparaissent comme des traces mémorielles successives. Ses touches aux teintes magnétiques et aux reflets translucides lient des correspondances entre construction et déstructuration.
« Il arrive que l’idée initiale perde en présence au profit d’une évidence encore cachée, esquissée en tant que témoin. »
Des bâtisses et des arbres perchés sur une falaise, des visages qui se distinguent parmi une foule anonyme sont autant d’apparitions fantomatiques qui s’imposent et se convertissent au profit d’une nouvelle dimension spectrale. Le pouvoir de suggérer plus que de montrer lie le pressentiment, la clairvoyance, la dissolution et l’interprétation dans un continuum de strates et de matières.
Cet art du recouvrement créé un décalage. De l’abstrait au figuré, de la couche supérieure à la couche inférieure, on traverse plusieurs mondes, au-delà du réel. L’impact de l’espace extérieur sur l’intérieur, de la surface sur le fond laisse s’exprimer une vibration émotionnelle en premier lieu.
« Il y a vibration picturale lorsque la vision s’irise en émotion (…) C’est de l’ordre de la nature, des connections nerveuses, de mes sens, peut-être des atomes (…) Cet état perceptif relève souvent du rêve, d’une forme de lâcher-prise ou de la méditation. »
Potentiels et furtifs, les éléments concrets s’effacent sans pour autant disparaître. L’alchimie de l’effet s’aborde frontalement avec ses contradictions. L’artiste établit les forces en présence, les tensions, les équilibres qui dépendent les uns, les autres. Au fur et à mesure de la contemplation, le regard se laisse fondre. La force imageante participe à un mouvement de métamorphose tel un glissement du familier vers le mystère. Sous le trouble de la révélation et de l’effacement, l’expérience s’affine.
« Le réel semble être une illusion. Un bâtiment cache une structure qui le fonde. Il en est de même pour les vivants. J’aime cette idée fondamentale. Après un séisme, seules les structures restent, parlent, témoignent comme des êtres vivants. Tout est vivant et vibratoire (…) La série des Mondes Vibratoires est une ode à ce monde global où tout est relié. »
Les émanations incarnées sont autant de fragments autonomes à multiples vitesses. Chaque œuvre propulse des éléments dissemblables, redoublant l’altérité de l’appartenance, venant questionner l’identité, le statut de l’événement et sa représentation. L’artiste capture des phénomènes imperceptibles, des manifestations transitoires en lévitation, des présences interconnectées.
Yannick Ollitrault souhaite restituer l’énergie ressentie comme une matière vibratoire. Il y a dans ses travaux des dimensions intérieures sensibles, des interrogations sur lui-même et sur le monde. C’est une fascination pour le visible et l’invisible, pour exprimer ce qui est indicible.