Les dessins de Clémence Wach apparaissent comme des songes illustrés, issus des variations de son esprit préservant leur secret.
L’entreprise de cette dessinatrice virtuose est de nature scénographique. Il serait possible d’imaginer qu’un acteur ou une actrice puisse circuler dans ses scènes à l’orée des bois et des jungles ou en bordures de mer. En suivant un processus essentiellement intuitif, Clémence Wach fait surgir des sensations de nature.
Son appréhension du territoire est une errance subjective où la dérive devient liberté.
« Il arrive que la vision très précise d’une scène préexiste à l’image que je vais créer. Il est aussi fréquent que mon travail ne se fonde que sur la perception d’une ambiance ou sur une sensation préalable. Dans les deux cas, l’image n’existe pas, je dois la fabriquer de toutes pièces. »
Ses supports de travail sont des études d’après nature, des fragments de photographies, des éléments recomposés de tête qu’elle assemble comme un morceau de rêve réapproprié. Le regard s’enfonce, laissant le spectateur libre de juger si le dessin offre une réalité potentielle.
« Chaque image devient un monde et trouve son existence propre. »
La force poétique s’appuie aussi sur une palette volontairement réduite traitée souvent avec une valeur de bichromie ; une dualité noire et blanche, contraste de l’introspection. Une façon d’invoquer autant sa relation avec l’extérieur que son monde souterrain.
« J’aime que la lumière puisse surgir du papier blanc, ce qui ne peut advenir que grâce à la présence des ombres et des sombres. »
Entre profondeur et illumination, obscurité et révélation, l’artiste créé son propre langage.
Nu à l'étang, pierre Noire, crayon sépia et crayon blanc sur papier 29,7 x
42 cm
Cette double évocation du « dehors » et du « dedans » souligne un processus entièrement relié à l’âme et à l’environnement. La nature et le corps sont d’ailleurs intimement liés dans les travaux de Clémence. Une jeune fille accroupie au pied de roseaux sauvages, une autre nue qui s’apprête à plonger dans un lac, sont autant d’apparitions qui deviennent des éléments d’ancrage. Ils participent à une véritable interprétation à la surface de deux mondes ; naturel et surnaturel mais toujours parfaitement figurés.
« Corps et nature sont pour moi des lieux d’universalité et d’éternité. La plupart de mes images naissent d’une sensation physique. Les scènes que je fabrique sont des paysages ou des climats intérieurs, mon panorama intime en quelque sorte. »
La majorité des dessins sont réalisés à la pierre noire sur papier, parfois au crayon, à l’encre ou à l’aquarelle.
« Si la pierre noire est très présente dans mon travail, c’est parce qu’elle sculpte merveilleusement les lumières et contribue pour beaucoup au sentiment d’intemporalité que je recherche. »
Propulsés dans un espace-temps indéfini, les lieux semblent mutables. Ils apparaissent tels des terrains en mouvement, créant une atmosphère de confusion et de désorientation. Leur valeur contemplative et atmosphérique offre un état d’énigmes. L’artiste ne donne pas d’indices. Rien n’est élucidé. Ses œuvres sont des mirages, des traversées mystérieuses, des invitations à découvrir les possibles pour construire sa propre représentation.
« Je dessine entre les lignes, afin que chacun ait le choix de son récit (…) il faut imaginer ce qui est hors du cadre, rêver de ce qui s’est passé avant et de ce qui se passera après la scène (…) J’aime les images qui parlent aux sens, qui évoquent plus qu’elles n’expliquent. »
Clémence Wach se définit comme militante de l’art figuratif et fait preuve d’un intérêt particulier pour la narration. Elle travaille la tension dramatique qu’elle laisse glisser de la scène vers le détail permettant à l’anecdotique de devenir signifiant. Devant ses dessins, le regard avance et recule pour vérifier la nature de l’espace visible. Chacun est libre de se promener et de suivre la trace d’un sens caché en contemplant des scènes aussi énigmatiques que poétiques.