Chacune de ses œuvres est une création automatique qui s’apparente à un rêve fiévreux. Un fragment, une pièce isolée d'un ensemble dont la composition se décrypte sans se prêter au jeu de la cohérence. L’artiste fabrique un contexte, un réseau d’idées picturales indépendantes qui font sens ensemble. « Je ne souhaite pas porter de messages mais juste une émotion, une fuite à rêver. »
On retrouve pêle-mêle Tintin, un astronaute, des business women pressées, des migrants, des fourmis, des chiens, des masques et d’autres nains de jardin qui gravitent au sein de projections personnelles, semblant jaillir de l’esprit de l’artiste par profusion.
Didier Merlin a passé son enfance en Afrique et sa jeunesse en Suisse. Son discours narratif naît parfois d’une image issue de l’actualité ou parfois de ses propres souvenirs. Il fait apparaître les injustices en filigranes sous une tonalité éloignée de la gravité, quelquefois de façon amusée.
« Lorsqu’un fait m’interpelle, une image, une photo m’accroche, je la dessine et je rêve autour, peut-être pour cacher le fait, l’adoucir, le rendre moins visible. »
Camouflage triste vie, juillet 2021, sous verre acrylique, 90 x 150 cm
Du vertige de la légèreté à la pesanteur, de la fixité au mouvement, de l’inconscient à l’illusion, de l’apparition à la disparition, de la construction à la fragmentation, le monde de l’artiste se construit, inédit et singulier, regorgeant de surprises esthétiques. Ici, tout est permis et se juxtapose sans convention.
Ce qui est particulièrement frappant dans son travail c ‘est le rythme, le sens de lecture en miroir et le déséquilibre.
« Ce qui est à gauche devient à droite, je commence par les détails pour finir par les fonds avec peu ou pas de retouches. Finalement, c’est avoir l’esprit à l’envers et l’importance du reflet qui modifie la perception. »
L’agencement bouleversé trace des lignes, pose les limites, créé son propre désordre, faisant l’inventaire des errances et des hasards. C’est une manière de dompter la persistance de l’inconnu.
Dans ce puzzle recomposé, l’imagination reprend ses droits afin de rejouer différemment le réel. Les représentations intemporelles expriment une séquence, un arrêt, un instant T, laissant le climat se figer dans un état fugitif. L’état de mouvement soutient un sentiment anachronique. Le témoignage artistique se déploie patiemment comme une histoire sans fin où l’espace-temps n’a plus de repères. A cela s’ajoute la juxtaposition de tonalités ardentes qui participent à l’élan et l’impulsion.
Figurées mais surréalistes, les scènes se diffusent dans une atmosphère particulière qui laisse libre court à l’interprétation de chacun. L’échange demeure poétique.