Accéder au contenu principal

Yona Zaffran, la célébration du beau et de l’éphémère

 

Sans titre 2, 2020
10 x 12 x 12 cm.

Ses dessins et ses sculptures révèlent la beauté et la fragilité qui se cachent dans les multiples combinaisons possibles du monde, qu’il soit minéral ou vivant. Dans un processus organique et mental, elle conçoit des œuvres témoins d’un environnement à préserver.

 

« Mon travail est une tentative d’émouvoir sur la fragilité du monde qui nous a été prêté, vers une prise de conscience. »

 

Yona connaît la complexité des processus vitaux. Auparavant, elle était chercheuse en biologie.

« J’ai touché à l’invisible, au minuscule, appréhendé l’unité du vivant à l’échelle cellulaire, et sa sérialité, son architecture au niveau tissulaire. »

Aujourd’hui, elle s’éloigne de la science et se rapproche de la nature pour apporter une vision transformée du modèle vivant. Ses œuvres sont un lieu de relecture de l’environnement, moins lié à sa compréhension mais plus à l’émotion et au ressenti.

 

L’artiste ne s’attarde plus sur une vision introspective de la matière vivante mais envisage une approche contextuelle, systémique. Avec humilité et distance, elle revisite les fragments de vie pour témoigner du changement. En posant un regard curieux sur ce qui nous entoure, elle prend avec poésie le contrepied des déterminismes du monde, en quête de devenir.

« Le tournant inhumain qu’empruntent les sociétés industrialisées, auto-proclamées civilisées me choque. Mon engagement artistique est éminemment politique, écologique. »

 

Sa recherche s’appuie avec authenticité sur une certaine énergie primale. La quête des couleurs se maîtrise à froid selon un long procédé méthodique. Puis la terre s’anime sous ses doigts. Sans dessin préparatoire, ses mains la guident vers la forme finie qui se fixe ensuite sous la chaleur du feu de son four, lors d’une première cuisson à 950 °C, puis l’émail se révèle à 1280°C. Entre temps, la pièce est émaillée par trempage ou par aspersion.

« Je privilégie des grès assez riches en fer qui apportent leur contribution à la couleur, ou au contraire la porcelaine dont la blancheur laisse à l’émail son intégrité. Ce sont plastiquement des terres de natures très différentes qui exigent des processus créatifs spécifiques. »

 

Les pièces ont un design pur et une essence commune.

« Les formes sont abstraites, car issues d’un projet en profondeur, et non à la surface. »

L’artiste a une attraction particulière pour le mouvement et les courbes. Chaque œuvre semble adopter des occasions de mutation en acquérant une identité autonome, inédite.

« La ligne droite n’existe pas dans la nature (…) la courbe est un vœu de douceur, peut-être aussi, qui estomperait la brutalité du monde. »

 

Les sculptures convoquent un répertoire de formes sérielles où le geste travaille les creux et les pleins en accumulation. Le regard s’insinue entre les craquelures, fissures et autres coulures accidentelles dues aux aléas de la cuisson, pour délivrer une dernière impression d’habileté maîtrisée. Accident et contrôle s’influencent, se répondent et font sens ensemble.

Yona laisse l’autonomie de l’élément mais fige son état transitoire ; le moment où le matériau pourrait se rompre. Elle montre la plasticité de l’éphémère, sa fragilité précieuse.

« Quoi de mieux qu’une céramique pour exprimer le caractère changeant et éphémère de la nature ? »

En convoquant avec délicatesse la nature originelle, elle nous laisse ressentir toute la force des éléments.

 

Une certaine harmonie expérimentale se dégage des œuvres de Yona Zaffran, provoquant des sentiments tout aussi réjouissants que méditatifs. Une véritable célébration du réel dans ce qu’il a de beau et d’éphémère à la fois.