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Emmanuèle Duclot-Haillot, à la limite de l’évanescence

 

Le retour à la source, 2021, encre de Chine sur papier Japon, 48 x 38 cm

Ses Dessins d’humains suivent la pratique du modèle vivant. Emmanuèle Duclot-Haillot a recours au processus de libre interprétation des réalités des corps, en tant que lieux de métamorphoses.

 

Elle libère la ligne et l’existence du sujet en attribuant une place importante au vide. Ceci lui permet de se concentrer sur le motif principal : le corps. Dessiner se vit pour lors comme une introspection où le transfert s’opère, où l’assimilation du Modèle procède de l’autoportrait. Elle affectionne la souplesse, la légèreté, la fragilité et le plaisir tactile du papier qui lui permet aussi découpes et collages. Au fusain, à l’encre de chine, à l’aquarelle, l’acrylique, elle laisse exprimer ses crayons et ses pinceaux dans une gestuelle mouvante, jamais figée.

 

Dans un mouvement constant, l’énergie de son geste se maintient à la limite de l’évanescence. Cette intention souligne une certaine force libératrice, constitutive de la vie. Dans cet agencement bouleversé, elle pose les limites, créé son propre ordre. La transparence et l’immédiateté induite par sa technique contribuent à une délicatesse du trait et des figures déstructurées.

 

Car sa contemporanéité se situe dans la maîtrise de traits figurés confrontés à une certaine abstraction. Ces derniers permettent au réel de s’enfuir dans des compositions plus effacées, diffuses, fragmentées. Là-même où l’indice de l’intériorité de la représentation s’échappe pour devenir autonome, libre. Les corps donnent à voir une vision organique, comme vue du dedans, sans chercher l’explicite. Ses traits s’agrègent, se dispersent et demeurent garants de l’intimité de la scène que chacun pourra interpréter.

 

Du regard au geste, sa main guide la retranscription de corps qui se lisent comme un puzzle et s’élèvent sous une légèreté fugitive. Ces figures, qui parfois s’entrelacent et s’entremêlent par des éléments de brouillage, trompent la perception, égarent les sens. La peintre ne renie pas la richesse de ses influences.

« Elles sont nombreuses, disparates, hybrides et fluctuantes », issues d’un effet d’emmagasinage, de Big bazar comme le titre éponyme de l’une de ses séries.

 

La verticalité est travaillée comme une « réparation, un acte chirurgical ou chamanique. Un cheminement de la pensée, du ressenti. Un stockage d’images et de sensations. »

Une façon de restructurer et reformuler la douleur psychique, intérieure, entre l’inanimé et l’animé, le vivant et le mort. Par le dessin, l’artiste reprend, en quelques sorte, la pleine possession de son corps. Comme un recueillement vers une ouverture de perspectives.

 

Il arrive à Emmanuèle Duclot-Haillot de détourner cette attention au corps et de traduire, à travers la poésie, la photographie ou différentes installations sa relation à notre temps. Autant de représentations aériennes qui « captent un fragment, une bribe du Grand Tout qui permet la divagation et soulève l’imagination. »