Accéder au contenu principal

Serge Tenèze, la condition des réminiscences

Lumières noires, sillons, 30 x 30 cm
 

Par un langage abstrait, Serge Tenèze interroge les apories et les béances de notre mémoire. Ses œuvres sont des recompositions fécondes de traces remémorées.

 

Il questionne les oublis, les trous noirs frappés d’une involontaire amnésie, les événements, et la manière dont ils se transmettent au fur et à mesure de leur éloignement irréversible dans le passé.

« Quand elle a trait à des événements lointains, la mémoire est une suite de sensations furtives, plus difficile à traduire. On s’aperçoit d’ailleurs qu’elle ne diffuse plus que des images diluées, délitées, floutées, voire un nappage informe et diffus... »

 

Le peintre veut montrer sous quelle condition la rémanence devient visible. Un lieu, un corps, un moment, un état, une anecdote… Sont autant de terrains d’expressions, empilés et enfouis, qui entrent petit à petit en résonance sur sa toile. Suivant les différentes séries, un souvenir vivace ou fugace, net ou flou, se recompose dans un univers coloré, dans des tonalités charnelles ou vers une palette plus sombre, parfois même totalement noire. Le noir c’est : « une mise à nu en quelque sorte, un lâcher-prise, pour aller vers l’essentiel et tenter de restituer cet autre type de mémoire oubliée, plus intime, lointaine, profonde. »

 

Ses compositions s’envisagent comme des terrains d’apparitions de récits advenus que l’artiste accompagne dans la fuite de leur errance. Il peint à l’huile pour la pérennité de ses toiles et fabrique une bonne partie de ses matériaux : huile noire, médium, vernis, couleurs, selon les techniques anciennes.

 

La lumière apparaît en creux, et se laisse capturer par des entailles. De l’illumination à l’obscur, des effets de profondeur se dessinent.

« Cette lumière creuse les sillons dans la matière (…) Ces scarifications éclairées puis éteintes, marquent l’effacement intermittent de la mémoire. »

Ces accents vigoureux sont des cicatrices esthétiques visibles qui viennent doucement heurter la composition par leur force lumineuse. Les nouveaux indices scandent les toiles et renforcent l’élan narratif qui se construit selon un équilibre géométrique.  

 

Apparition, surgissement, dissolution sont au cœur de l’interprétation. L’effet de perspective et de relief instaure une sensation de spatialisation, de mouvement et de discontinuité.

Entre densité, masse, opacité et transparence, le contraste de la réflexion s’agite en mouvement.

 

Avec un humanisme aussi noir que lumineux, Serge Tenèze questionne la condition des réminiscences, comme un symptôme de résistance. Ses derniers travaux sont plus que jamais une révélation du lien mystérieux entre la vie et la mort.