"Et ces gens ont-ils touché terre ou ciel ?" Jules Supervielle. |
Elle sculpte la fuite des corps comme un espace de liberté. Elle donne à voir des présences profondément humaines qui assument leur force poétique.
Ses compositions sont envisagées en mutation. Des figures se déploient comme une histoire. Elles évoluent selon des lignes définies, semblant prendre un élan pour se déployer toujours de façon chorégraphiée. Ce sont des hommes, des femmes, des enfants, des anges… Des figures spectrales et majestueuses, annonciatrices d’une nouvelle ère. Pour chaque pièce, un espace de liberté se construit avec poésie.
Les lignes de fuites se discernent comme des itinéraires énigmatiques qui indiquent la direction d’un ailleurs. Les possibilités d’échappatoire sont accentuées par le geste de l’artiste, toujours en mouvement.
Fabienne Sanner travaille la technique de la cire perdue pour transformer ses pièces en bronze. Elle transforme l’argile, la faïence, le grès, qu’elle patine d’un mélange de pigments purs. Elle réalise également des œuvres en porcelaine. Les tonalités sont neutres, terres et plutôt douces.
« Je fais émerger de la terre brute une création. Les personnages se dégagent des contraintes de la terre. Ils sont empêtrés mais s’émancipent, ils s’arrachent à la matière, le visage levé, vers plus de légèreté, aspirant à plus de liberté et d’élan vital. »
Les visages tendent vers le ciel, en quête d’espoir et d’émancipation. La verticalité s’assume entre les vides et les pleins, entre le figé et la trajectoire. Ce lien harmonieux provoque des rencontres aléatoires qui facilite l’interprétation.
Au-delà de la matière, la symbolique s’éprouve, le sens se fabrique, tant par les formes que par les histoires qu’il propose. Ces êtres aux formes généreuses, sont issus de variations de l’informe.
Cette asymétrie porteuse de dynamisme engendre des corps en situation transitoire toujours en quête d’expressivité
Les figures ont le pouvoir de suggérer autant les potentialités de conviction que d’errance. Avec panache, elles surgissent en marchant, en courant, en bougeant, en discutant. Agencées pour s’influencer, se répondre, se contredire, elles font sens ensemble dans un espace de dialogue.
Cet espace s’articule autour de la notion essentielle de groupe.
« Cette notion renvoie a quelque chose de l’ordre de l’universel, de la condition
humaine (…) »
L’artiste crée ses ensembles de personnages, dans l’équilibre précaire de leur histoire commune (…)
« Je ne sais pas où ils vont mais ils y vont ensemble. »
Sous les nuances d’une poétique de l’apesanteur, Fabienne Sanner trace des lignes de forces vers de nouveaux possibles. Cette tentative d’évasion est indéniablement une zone d’humanité.