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Arbres étranges - série 14- 2023- 30x40cm |
Dans l’univers pictural d’Hervé Fayolle, l’arbre n’est plus simplement un motif, il devient un prétexte, un catalyseur de gestes, de textures et de lumière. Depuis 2023, l’artiste assume un tournant radical : celui de l’intensification. Après des années à travailler des grands formats exigeants et méticuleux, où l’encre de Chine structurait chaque ramification avec une précision quasi calligraphique, Fayolle se libère. Il quitte la rigueur du dessin préparatoire pour entrer dans un dialogue plus direct, plus instinctif avec la matière.
Ce recentrage sur les petits formats révèle une mutation de sa pratique. Là où les grands formats brillaient par la couleur et la maîtrise technique, les petits tableaux deviennent des espaces de liberté tactile. Fayolle y déploie un geste plus rapide, presque chorégraphique, où sable, sciure, couteaux, fourchettes et spatules redéfinissent la surface. Cette approche n’est pas sans rappeler les automatismes chers à l’expressionnisme abstrait, dans sa version européenne.
Visuellement, les œuvres récentes explosent de lumière et donnent à voir un arbre tordu par le vent, mais dont la silhouette, incertaine, se dissout presque dans un ciel crépitant. L’arbre y devient une faille dans le paysage, un mouvement figé dans une densité de couleurs éclaboussées. La matière prend le pas sur le sujet. On ne lit plus l’arbre, on le sent.
La lumière semble jaillir de l’intérieur de la toile. Le jaune, presque incandescent, perce un feuillage rougeoyant qui évoque plus une flamme qu’un végétal. L’arbre se fait éruption, verticalité incandescente dans un monde en fusion. Là encore, l’arbre n’est plus un arbre : il est rythme, tension, pulsation chromatique.
Parfois plus graphique, presque symboliste, certains arbres se penchent l’un vers l’autre, leurs troncs s’entrelacent, comme deux figures en conversation dans une intimité étrange, presque anthropomorphique. Hervé Fayolle touche ici au mystère : ses arbres ne disent rien de la nature, mais tout de la relation entre forme et émotion.
Ce que l’artiste réussit avec une rare cohérence, c’est une synthèse entre abstraction et figuration. L’arbre, pour lui, est un objet malléable, un point de départ pour une construction libre de formes et de couleurs. Il le dit lui-même : « Les arbres ne représentent pas la nature ». Ce sont des objets de composition, des outils plastiques pour explorer la lumière, la matière, l'équilibre.
Cette posture ouvre des pistes fécondes sur la nature même de la peinture contemporaine : pourquoi peindre un arbre ? Pour dire quoi ? Hervé Fayolle ne répond pas, ou plutôt, il répond par la pratique. Le sens naît dans l’acte, dans la texture, dans la vibration entre plusieurs teintes ou l’éraflure d’une ligne. C’est une peinture qui n'explique rien mais évoque tout. Une peinture qui, par sa radicalité tranquille, sait parler à tous sans jamais renoncer à son exigence intérieure.