Chez Chantal Robillard, la peinture n’est jamais figée. Elle est respiration, élan, vibration continue. Un langage en devenir, sans cesse en train de naître, d’évoluer, de se révéler.
Depuis l’enfance, elle peint non pour apprendre une technique, mais pour chercher une vérité intérieure, une manière d’entrer en résonance avec le monde. Sa pratique s’inspire de la calligraphie extrême-orientale : un art du geste juste, de l’écoute, de la transmutation, nourrie de l’enseignement d’un maître coréen.
Dans son travail, le signe ne se limite pas à un effet plastique ou à une abstraction décorative. Il puise ses racines dans les formes premières de la nature : les pierres, les constellations, les empreintes, les traces animales. Ces signes originels, que la main de l’artiste capte sans les figer, deviennent les matrices sensibles d’un monde vivant, structuré par le souffle, le rythme, le lien invisible entre les choses. Chantal Robillard ne reproduit pas la nature : elle accompagne sa croissance, en épouse le mouvement.
Son œuvre s’inscrit dans la filiation de l’art singulier et du Déstructuralisme Figuratif — non par souci d’appartenance à une école, mais comme point de repère pour une démarche libre, intuitive, spontanée. Elle accepte les cadres à condition qu’ils n’étouffent pas la pluralité expressive qui caractérise sa peinture.
Ce qui traverse son parcours, c’est d’abord le visage, puis le corps, comme territoires d’écriture intérieure. Très jeune, elle observe ses propres traits dans le miroir, cherchant à y lire les visages multiples de son ressenti. Plus tard, elle capte ceux des inconnus dans le métro — visages porteurs de tensions muettes, d’histoires silencieuses. Peu à peu, ces visages deviennent support d’écritures, tantôt intimes, tantôt inventées, comme une tentative d’exprimer ce que les mots ne disent pas. Puis le corps entre en scène : corps fragmenté ou dansant, contraint ou libéré, toujours empreint d’une énergie primordiale.
Chantal Robillard accorde chaque support et chaque medium à la nuance de l’émotion : la légèreté du papier oriental pour suggérer l’invisible, la rugosité de la toile brute pour l’affirmer, l’encre pour structurer, l’acrylique pour faire vibrer. Chaque matériau devient voix dans cette polyphonie visuelle. Sa peinture est une émotion incarnée, une écriture du monde dans sa densité, sa fragilité, son éclat.
Rien n’est figé. Son œuvre est un flux calligraphié, une tentative de capter la pulsation du réel dans l’instant. Une peinture toujours en cours de gestation, toujours "en train de se faire", à l’image de la vie elle-même.
Dans ses œuvres récentes, le regard du spectateur plonge dans un champ habité d’écritures et de visages mêlés. Loin d’une représentation de foule, c’est une foule intérieure, peuplée de mémoires, de fragments, de silences. Une polyphonie émotionnelle surgit, à la fois intime et collective. Chaque visage semble à la fois masque et confidence, énigme et aveu. Et déjà, l’écriture glisse du visage au corps.
Voici venue l’écriture des corps : des silhouettes en mouvement, traversées par des architectures de signes — formes mécaniques, organiques, codées. Le trait devient danse autant qu’empreinte, émotion autant qu’analyse. Dans cette tension entre liberté expressive et déstructuration graphique, la peinture de Chantal Robillard interroge notre époque, mais sans jamais renoncer à l’essentiel : la trace du vivant.