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Emilie Benard, Resilient Mind


New 1, technique mixte (huile, acrylique et bombe) sur toile,60 x 80 cm, 2017
La passion de la peinture transmise par son grand-père nourrit son désir de peindre depuis son enfance. Cette toute jeune artiste de 25 ans fusionne aujourd’hui l’art classique et l’art contemporain autour de la résilience.

Le concept était au départ utilisé en physique pour exprimer la capacité des métaux à retrouver leur état initial à la suite d'un choc. Il est plus récemment employé en psychologie pour montrer la faculté des personnes à se rétablir après un événement traumatique.
Pour l’artiste la résilience est un fil conducteur qui ponctue sa réflexion picturale depuis des années ; une façon d’exprimer son vécu.
Sa démarche se prête au jeu de la référence, celle d’une œuvre du 19e siècle, Romains de la décadence de Thomas Couture.  Le peintre classique voulait que son tableau suscite le renouveau de la peinture française en se référant aux maîtres de la Grèce antique, de la Renaissance et de l'école flamande. Emile Benard lui offre à son tour une nouvelle vie.

Elle extrait pour se faire deux protagonistes décadents qui participent à l’orgie. Isolée sur une toile dans un format atypique de portrait allongé, leur étreinte désabusée acquière une nouvelle sensualité et accentue leur présence, leur intention.
Si le soin est pris d’évacuer le plus possible tous les signes qui pourraient alimenter la dimension narrative, la tension et les points de déséquilibres des corps parlent d’eux-mêmes.
Ce jeu de cadrage original donne une impression de volume renforcé par un fond vaporeux réalisé au préalable à l’acrylique. Le choix d’un arrière-plan à la texture flottante permet aux sujets de ressortir en lumière, légers, dépouillés de leur environnement. L’artiste qui s’est formée à la copie de tableaux anciens, reproduit fidèlement les personnages à l’huile au pinceau sous des traits doux, délicats, aériens.

Son procédé méthodiquement pensé trouve une influence dans le Kintsugi, technique japonaise de réparation de céramique brisée au moyen de laque saupoudrée d’or. Sur les lignes de cette technique, l’œuvre est envisagée comme le début d'un autre cycle, avec une continuité dans son utilisation. Il ne s'agit pas de cacher les failles mais de les mettre en avant, de prendre compte la renaissance de l'œuvre, son histoire, avec les accidents éventuels et nécessaires à sa création.
« Cette technique met en valeur l’œuvre qui devient plus forte, plus belle. Après une brisure, c’est une façon de la sublimer à nouveau, c’est une forme de résilience » commente Emilie Benard.

Pour faire renaître l’œuvre de Thomas Couture, l’artiste opère une stratégie de dissolution. Elle détruit pour reconstruire, laissant libre court à la surprise picturale.
Les ombres au pigment brun naturel de terre de Cassel, les coulures dorées réalisées à la bombe participent, entre un geste maîtrisé et aléatoire, à la déconstruction et à la fragmentation de l’œuvre.
Son interprétation et ses distorsions ne lui font aucunement perdre sa particularité. C’est en cela aussi que l’artiste accède à une forme de résilience. Ce nouveau point de départ redonne à l’œuvre la puissance d’émerger dans un contexte inédit.

Sans unité de temps ni de lieux, cette nouvelle situation concentre le réel et décentre la question du repère.
Dans cette mêlée atemporelle, le couple vidé de son espace, se recharge par son propre potentiel d’occupation et de déplacement. Il rebondit et impose une confrontation en prise directe avec le regardeur.
Devant les tableaux d’Emilie Benard, la dimension est physique et immédiate. L’entrechoc pictural laisse percevoir une étrangeté tangible qui réveille une sensation de « déjà-vu » en prenant une toute nouvelle mesure sous une esthétique du sublime reconstruit.