Pink Spiral – Dim. : H. 52 x L. 41 x P. 36 cm. – 2010 |
Cristina Marquès affronte les filiations possibles du verre
acrylique, communément nommé Plexiglas. Elle
coupe par tranches, généralement un morceau de deux mètres sur trois
qu’elle polit avant de travailler à l’air chaud au four à 600 degrés ou au
décapeur. La matière devient ainsi malléable comme de la glaise synthétique,
transparente. La forme nait de ses mains. Puis sa technique propre du bullage
et de « l’empreinte » laisse apparaître une certaine rugosité avec
des creux et des volumes, palpables au toucher.
La manipulation et la
recherche d’une procédure permettent de faire voir, de rendre visible.
C’est lorsque l’on
s’approche de plus près que se révèle l’œuvre, d’abord frappés par la délicatesse travaillée du
matériau puis par la puissance de la forme et de la transparence. Cette
transparence nous invite à traverser de l’autre côté, au-delà du réel. Un passage entre deux mondes où l’entre-deux révèle la mutation de
la substance. L’artiste se focalise sur les
pleins et les vides, à travers desquels on circule sans même les voir. Véritable symphonie ou fugue de traces en
mouvements avec ses respirations secrètes.
L’effet est
particulièrement surprenant et réussi. Sous la surface aux irisations
possibles, le prisme transforme et casse les codes visuels. Une trouble
expérience au cœur de la matière.
Cristina Marquès donne naissance à une autre réalité comme un calque
délicatement posé sur le monde. Plutôt qu’une entité absolue, son oeuvre joue
de la perception intime. Sens et contre sens, transformation du discernement, elle
compose avec l’illusion, brouille les pistes, préservant le secret d’un procédé
de fabrication sophistiqué qui s’extrait du formalisme inculqué par les
méthodes didactiques de la sculpture.
Il n’y a pas d’ajout de
matériau - sinon parfois d’un support permettant de faire tenir l’oeuvre dans
l’espace. Ses créations ont un très fort rapport à l’environnement.
Translucides, colorés, parfois opaques, les éléments sont travaillés dans la
profondeur sous des effets de torsion transfigurant leur apparence entre
équilibre et tension. Courber le verre acrylique, l’entrelacer et l’agencer,
n’est pas se plier devant l’inéluctable. L’artiste dévie les contraintes du Plexiglas
pour donner naissance à des œuvres abstraites à la géométrie complexe verticale
ou en spirale. « La spirale et les
volutes ont toujours été mon cheval de bataille. Ils sont le tourbillon de la
terre et du cosmos, le trou noir, l’élévation. »
Les sculptures de Cristina
Marquès pourraient être des roches tombées des cieux telles des messagères de
l’univers, d’un futur rayonnant, d’un nouveau monde créateur, presque vital. Sous
cet attrait mystique et naturel, la ligne et le cercle, la transparence et
l’opacité, sont la parfaite dualité d’un double jeu assumé par l’artiste ;
celui de se montrer et se cacher. D’apparence labile, les œuvres de Cristina
Marquès figent l’instant solide, entre le mouvement chaotique de la matière et
la maîtrise de la forme finale. Les courbes renforcent cette impression de
temps immuable, cyclique, d’une traversée intemporelle de l’espace et de la
lumière.