Variations d'automne, acrylique sur toile, 9 tableaux 40 x 40 cm, 2016 |
Architecte de formation, il a appris à dessiner au té, à l’équerre et à main levée schémas, croquis et plans d’exécution. Désormais éloigné des échelles et des rapports de perspectives, il ne veut plus avoir le compas dans l’œil pour s’exprimer autrement avec la peinture.
Ses premières œuvres totalement abstraites se
transforment petit à petit, laissant affiner son trait et son rapport à la
couleur vers une sensation plus figurative mais toujours fragmentée. Son
intérêt pour la perte des repères et de l’équilibre s’appuie sur son geste
lancé au couteau ou à la spatule de plâtrier. Il ne fait pas pour autant main
basse sur les détails et peint avec une remarquable frénésie sérielle des
paysages, en s’attachant à l’idée de représenter l’herbe, le ciel et l’arbre.
Ce dernier est un véritable fil conducteur dans son œuvre. Denis Guffroy est un « homme qui plante des
arbres. »
« Dans la nature, l’arbre est l’élément végétal le plus
proche de nous. Ancré dans le sol, sa sève coule dans ses artères. Il subit les
saisons et nous nourrit. Ses formes anthropomorphiques sont souvent proches des
nôtres. »
Son degré d’abstraction préserve la structure
apparente de l’arbre et ses reliefs en mettant l’accent sur les étendues, les
pleins et les vides. L’effet produit une sensation de spatialisation et de
projection en profondeur.
Le feuillage apparaît comme un paysage à part
entière, un planisphère, un monde nouveau. Il est aussi décliné dans une
version plus pop où les feuilles dorées se confrontent à la couleur vive et
unie d’un fond éclatant. Sa palette aux
nuances infinies laisse une place récurrente à la couleur verte, digne représentante
de la nature.
Denis Guffroy joue des points de vue en plongée et
contre-plongée et prend ses distances avec la ligne d’horizon qu’il cherche à
chasser avant de l’immiscer à nouveau dans ses travaux.
« La ligne d’horizon était pour moi une angoisse terrible,
reliée à la perspective, au point de fuite, à la religion… »
On croît tout reconnaître ; paysage,
situation… Mais petit à petit l’inconscient se révèle en alerte et l’on
débusque de nouvelles empreintes furtives. Le connu se transforme et devient autre.
Pour dérouler ses paysages en suspens,
l’artiste met en mouvement sa pensée, travaille sa mémoire et revisite les
étapes de sa vie en Provence, dans le Jura, sur le plateau beauceron. Cette
délicate manœuvre de l’esprit lui permet de reproduire ses souvenirs ancrés et
de les transformer au gré de son imaginaire.
« Lorsque l’on sollicite sa mémoire, les choses viennent.
C’est un voyage intérieur qui me permet de retrouver des sensations
vécues. »
Les compositions de Denis Guffroy sont des histoires naturelles qui se jouent des archétypes. Un
véritable plaisir de libre exercice environnemental qui nous invite à pénétrer
dans un univers parallèle empli de vitalité où les espaces s’ouvrent et se
découvrent.
* Jean
Giono, L'homme qui plantait des arbres, Paris, Gallimard,
coll. « Blanche », 1996, 33 p. Conception :
1953, 1ère parution en 1980.